Extrait 1

Libre et légère, l’apesanteur me berce doucement. J’écoute ma respiration, les yeux clos. L’insouciance du moment le voudrait éternelle. Dans le silence de ma sphère de relaxation, je savoure enfin la douce satisfaction de m’être immobilisée. Quelle détente ! Je devrais venir ici plus souvent. J’y retrouve mon harmonie intérieure. La fin de séance est imminente, les parois de ma sphère se teintent progressivement de bleu. De fines billes fluorescentes vertes de Champagne sont alors lentement propulsées dans ma direction. Diffractant la lumière, les bulles de dioxyde de carbone scintillent et s’approchent. Au moment du contact éthylique, je reprends brutalement conscience et m’éveille sous les injonctions de DomO, l’opérateur domotique de mon appartement.

Extrait 2

Sur la table de nuit, j’attrape mon atomiseur OrgasX et le tends à DenniS. Après son inhalation, à mon tour, je presse sur la gâchette…
La mise sur le marché d’OrgasX a constitué une véritable révolution sexuelle. Lorsque le consommateur en inhale une bouffée, le gaz diffuse des cavités nasales aux poumons, où il traverse les tissus biologiques pour y être intégralement absorbé par la circulation sanguine. Transporté jusqu’au cerveau, il passe la barrière hématoencéphalique, pénètre abondement dans le cerveau et active sélectivement, durant une quinzaine de secondes, les neurones dopaminergiques de l’aire tégmentale ventrale responsables de la jouissance sexuelle. C’est l’orgasme.

Extrait 3

Attentive et intriguée, j’observe un étrange faisceau lumineux, d’une couleur rare aux nuances multiples. Je m’approche de la source lumineuse pour en déterminer sa nature, mais l’esquisse d’un mouvement fragmente mon espace en éléments kaléidoscopiques, multicolores. Je nage dans un environnement de cubes, cercles, triangles et polygones multiples qui s’enchevêtrent sans jamais se heurter. L’absence de gravité permet de me mouvoir parmi ces formes et ces couleurs, de ressentir leur complexité moléculaire d’un simple effleurement. Une sensation nouvelle et étrange s’offre à moi. J’ai enfin l’impression de comprendre comment l’agencement des atomes permet de déplacer un objet à distance, comment deux objets pleins et solides peuvent s’interpénétrer naturellement, sans se casser ni se déformer. Pourquoi cette évidence ne m’était-elle pas apparue avant ? La logique de la matière est simple, source de joies et de plaisirs, enivrante.